Assassinat Politique ou Dialogue Républicain
3. Le massacre des partis politiques
Jean André Victor, 11 /04/21
Armanda Gorman est le nom de la jeune américaine de 22 ans (je refuse de dire afro-américaine), auteure du poème « The Hill We Climb » présenté le 20 janvier dernier au Capitol, lors des cérémonies d’investiture du Président Démocrate, Joseph Biden et de la Vice-Présidente Kamara Harris. Depuis, le monde entier la sollicite ; son chef d’œuvre est traduit en mille langues, les hommes d’affaire se précipitent autour d’elle ; Michelle Obama, et Hilary Clinton endossent déjà sa candidature à la magistrature suprême de l’Etat pour l’année 2036. Inspirons-nous de son exemple. Haïti doit, plus que tout autre pays, préparer méthodiquement ses hommes d’Etat et ses futurs candidats à la présidence.
Comment préparer alors ces hommes d’Etat ? Dans les partis politiques, me direz-vous. Mais, on détruit les partis politiques. Au propre et au figuré. Par pensée, par parole, par action et par omission. Pourquoi les détruit-on, si la Constitution le veut, si la Démocratie le proclame et si l’Economie le réclame. C’est qu’il y a le complot des outsiders. Une fois arrivés au pouvoir, ces derniers qui ont fait campagne contre les partis politiques s’arrangent pour instaurer un régime de parti unique aux dépens des vrais partis, avec ou sans la complicité du Parlement. De 1986 à aujourd’hui, le pays en a fait l’amère expérience.
De 5 000, le nombre de membres nécessaires pour former un parti politique est porté à 21 sous l’Administration Martelly. Les lois régissant les partis politiques, malgré leurs faiblesses, ne sont point appliquées. Le Ministère de la Justice octroie généreusement des licences de fonctionnement à autant de partis de son choix, car le but poursuivi n’est ni de construire un bipartisme fonctionnel ni de bâtir un multipartisme éclairé mais de semer la pagaille dans la classe politique pour anéantir le régime des partis. Sans stratégie pour instaurer la démocratie haïtienne, l’Etat Haïtien rejette d’une main ce qu’il entend promouvoir de l’autre.
Le complot contre les partis politiques et, par voie de conséquence, contre la Constitution, l’Etat de Droit, la Démocratie et le Progrès est ourdi par des médiocres et fomenté par des naïfs. Il se présente comme un cercle vicieux. Les outsiders arrivent au pouvoir par des manœuvres peu orthodoxes. Pour garder ce dernier, ils détruisent le pluralisme politique en facilitant l’éclosion de partis bidons. Ces derniers mettent à mal le système national de partis. Les outsiders ont alors beau jeu pour se perpétuer au pouvoir. Comment casser ce cercle vicieux ?
Loin de nous, toutefois, l’idée de soutenir que les partis politiques n’ont rien à se reprocher. Bien au contraire. La république a connu des Présidents à vie, des Chefs de parti à vie et des candidats à vie pour le poste de Président. Ou les hommes politiques jouent le jeu des outsiders et une fois arrivés au pouvoir, ils construisent un régime de partis, rationnel et durable ou ils font face comme un seul homme aux outsiders en se rangeant derrière un candidat unique, capable de porter leur vision et leur projet de société. Dans les deux cas, la logique du long terme commande de produire en Haïti plusieurs leaders du genre d’Armanda Gorman.
Au début du 21ème siècle, Anthony Georges Pierre a publié un ouvrage remarquable, intitulé « Les Partis Politiques dans l’Histoire d’Haïti ». Les partis politiques ont vu le jour à partir de 1875 pour disparaitre quelques années plus tard et renaitre avec le parti communiste en 1934. Persécutés, ils réapparaissent en 1946, pour mourir à petit feu et renaitre de nouveau à partir de 1986. Aujourd’hui, c’est le chaos. La République attend la révolution. Rien de plus.
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