Lili : ange ou démon ?

"Dans cette année, l'année 2023 qui est une année de justice, l'année de la vengeance populaire, il y aura un journaliste vedette qui tombera malade. Il tombera sans aucun doute au cours de l'année 2023", avait prédit Lova Toussaint. Il n'a pas fallu longtemps pour que certains établissent un lien avec la mort subite de Liliane Pierre-Paul. Le vénérable maître Jéhovah Lova Toussaint aurait, selon plusieurs, annoncé la disparition de la journaliste vedette de Radio Kiskeya, celle qui faisait savoir à toute la nation qu'il était 4 heures ! 

Liliane Pierre-Paul serait donc cette "journaliste vedette". Pourquoi elle ? Pourquoi sa disparition soudaine aurait-elle un lien avec cette histoire d’ « année de justice » et de "vengeance populaire"? Pourtant, elle a consacré sa vie à sa carrière de journaliste. Elle a milité pour les droits fondamentaux, en particulier la liberté d'expression. Alors pourquoi sa mort serait-elle liée à la justice et à la vengeance populaire ? La "réponse" se trouve dans certaines publications et commentaires sur les réseaux sociaux. 

Selon certains, Liliane, celle qui a joué un rôle actif en tant qu'actrice sociale engagée dans le processus de changement, aurait une part de responsabilité dans les malheurs du peuple haïtien. On lui reproche d'être responsable de milliers de morts et d'avoir contribué à déchirer des familles et à pousser des milliers de personnes à l'exil. D'autres lui reprochent d'avoir contribué à déstabiliser le pays en mettant des bâtons dans les roues des autorités, tout cela pour servir les intérêts de la communauté internationale et de son entourage. Il est indéniable que ces derniers bénéficient des bienfaits de la lutte acharnée menée par Lili pour la liberté d'expression en Haïti ! 

Décédée à l'âge de 70 ans, Lili a reçu une juste reconnaissance des médias, des organisations de la société civile haïtienne et de nombreuses personnalités politiques et diplomatiques. Certaines voix se sont même élevées pour réclamer des funérailles nationales en son honneur. Elle a consacré toute sa vie au journalisme et s'est activement engagée dans la lutte contre la corruption, entre autres. Liliane n'a jamais manqué une occasion de dénoncer les abus des pouvoirs passés. 

Liliane Pierre-Paul a connu des périodes difficiles dès son jeune âge. Elle a été battue, violée, torturée et emprisonnée. Sous la dictature des Duvalier, elle a dû partir en exil. Elle a fait face à toutes sortes de menaces. Certains dirigeants ont tenté de l'intimider. Certains pouvoirs ont cherché à ternir sa réputation. Mais elle n'a pas fléchi ! Lili n'était pas à vendre ! Sa conviction et sa détermination à se battre pour un meilleur Haïti pour tous ceux qu'elle guidait resteront dans les mémoires. C'est ce qui lui a valu un second exil de six ans au Venezuela, puis à Curaçao, sous le régime du Président Jean-Bertrand Aristide. 

Lauréate du Prix Courage en Journalisme de la Fondation Internationale des Médias Féminins en 1990 et du Prix Roc Cadet de SOS Liberté en 2014, elle a été l'une des fondatrices de Radio Kiskeya et de l'Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH), dont elle a été présidente. Jean Jean Roosevelt lui a rendu un vibrant hommage dans sa chanson "Reste debout Lili", spécialement composée pour elle. Que dire de plus, sinon que Lili a marqué des générations ?

"Personne n'est plus détestée que celui qui dit la vérité", stipule un adage attribué à Platon. On comprend alors pourquoi certains persistent à vouloir salir la mémoire de Lili, une femme courageuse.

Stevens JEAN FRANÇOIS

A lire aussi

• Solino has fallen
• Port-au-Prince classée troisième ville la plus dangereuse au Monde en 2024
• Haïti : Les violences sexuelles à l'encontre des enfants ont augmenté de 1000% en un an
• L’OEA approuve la transformation de la MMSS en une force de maintien de la paix des Nations Unies
• L’attaque armée visant les deux avions est un acte terroriste, signale Me Carlos Hercule
• Les Etats-Unis assument la nomination d'Alix Didier Fils-Aimé
• Nous avons le choix ultime d’aller vers la Cour de cassation et de chercher le soutien des forces armées, prévient Jean Robert Arguant

Thèmes associés

• Liliane Pierre-Paul
• Kiskeya
• Media
• Haïti