Point de vue de quelques acteurs du ballon rond sur la proposition de relance du championnat national formulée par le coach Kowsky

Dans la nuit du 19 au 20 mars 2017, alors qu'elle revenait de Ouanaminthe, la délégation du Baltimore de Saint Marc a été attaquée par des individus lourdement armés à Puilboreau. Les bandits ont contraint les membres de l'équipe de descendre de l'autobus, les ont dépouillés avant d’incendier le véhicule. Plus de deux ans plus tard, soit le 19 octobre 2019, le Racing FC a été la cible d'une attaque d'individus armés à Kafou Pèy. Les bandits ont conduit les membres de l’équipe dans la localité de « Savien » où ils ont été dépouillés de leurs objets de valeurs, de leur argent, des matériels sportifs et même de leurs vêtements. Comme d’autres secteurs, le football était frappé de plein fouet par la détérioration du climat sécuritaire en Haïti.

Les équipes éprouvaient de plus en plus de difficultés à circuler pour aller discuter les rencontres. Alors que le championnat national tentait de sortir sa tête de l'eau, la confirmation de deux cas de contamination au nouveau coronavirus en Haïti lui a asséné le coup de grâce. Légion étaient les activités qui ont été paralysées avec l'apparition de la Covid-19, il y a de cela deux ans. Le sport roi du pays, le football, n'a pas été épargné. Il a été mis à l'arrêt. Contrairement aux autres activités, le championnat national est toujours interrompu!

Les nombreux problèmes auxquels était confrontée la compétition interclubs de diverses divisions dont la détérioration du climat sécuritaire et le manque de financement se sont imposés comme obstacle majeur à sa relance. Que faire pour reprendre ces épreuves sportives? Le Comité de Normalisation mis en place par la FIFA, semble éprouver du mal à trouver la formule qui aiderait à équilibrer cette équation visiblement à trop d'inconnus. Le coach Kowsky lui n'a pas chômé et a proposé une formule.

Conscient de la détérioration du climat d’insécurité, de l’instabilité et de leur incidence sur le championnat national, il a suggéré aux dirigeants de clubs et à la fédération d’organiser une compétition par zone, ce qui limiterait les déplacements d’un bout à l’autre du pays. « Puisque nous sommes conscients de l’insécurité et l’instabilité qui règnent dans le pays et qui rendent difficile le trajet d’une ville à une autre, nous pourrions organiser une compétition par zone. Dans le Nord, les équipes de 1ère, de 2ème et de 3e division pourraient jouer ensemble pour accoucher un vainqueur. Ce sera le même cas de figure dans le Sud, dans l’Ouest et dans l’Artibonite. Nous regrouperons les champions dans un siège unique à savoir dans une ville qui pourra garantir la sécurité des joueurs. Après, nous procéderons à un tirage au sort pour déterminer le tableau des quarts de finale. Ainsi de suite jusqu’à ce qu’on détermine le champion national » a rapporté Haïti Tempo. (https://www.haititempo.com/foot-national-la-proposition-louable-de-kowsky-sainvil-pour-relancer-le-football-pour-les-clubs-haitiens/)

L’expert qui loue ses services au Vieux Coq Capois n’a pas manqué de vanter les retombées positives du championnat national. « C’est grâce au football national que nous avons des talents comme Corventina, Nérilia Mondésir, Batcheba Louis, Kethna Louis, Borgella qui évoluent en première division française. Nous avons également Danley Jean Jacques, Fredler Christophe, Dany Jean, Ronaldo Damus et Leazard qui vient tout juste de parapher un bail avec une franchise américaine. En absence des compétitions nationales, on ne pourra pas placer d’autres joueurs sur l'échiquier international» a-t-il poursuivi. Les propos du coach Kowsky SAINVIL rapportés par le journal Haïti Tempo ont suscité des réactions dans le milieu. Joints au téléphone par la rédaction de Le Courrier de la Nation deux cadres du club Cosmopolite de Delmas ont livré leur impression sur la question. 

Interrogé sur la question, Jean Fabrice Junior VEDRINE, maître à jouer des Delmassiens, a trouvé louable la proposition du coach du Vieux Coq Capois. Selon Fabrice, « le jeu (football) ne peut pas rester encore en stagnation une année de plus pour des raisons d’insécurité, ce climat est désavantageux pour toutes les équipes, seul le Violette essaie de s’adapter à cause de son engagement à l’international ». Cette situation le rend nostalgique et il croit ne pas être le seul à se sentir ainsi « Les rendez-vous du weekend nous manquent à tous, ça manque aussi aux supporteurs et on le sent », a conclu le joueur du Cosmopolite de Delmas.

Si pour Fabrice, le ballon doit recommencer à rouler avant longtemps, comme le propose monsieur SAINVIL, son entraineur quant à lui ne voit pas la chose du même œil. Sondé par le journal, monsieur Rolph Edson JOSEPH, a affirmé « avoir pris lecture de la note du Coach de l’ASC ». Il y voit « une très bonne chose car d’un point de vue économique, pour beaucoup de nos joueurs, le football constitue un gagne-pain ». En plus des sous, la reprise du championnat aura aussi des effets positifs sur la psyché des joueurs. « De plus, professionnellement quand on ne fait pas ce qu’on aime ou ce qu’on a l’habitude de faire, vous êtes plus ou moins exposé au stress, ce qui pourrait même engendrer des idées suicidaires n’était-ce pas la grâce de Dieu » a-t-il indiqué.

Le coach Joseph est pour la reprise du championnat, mais pas à n’importe quel prix ni n’importe comment. Certains détails doivent être tirés au clair selon lui. « Est-ce qu’on veut redémarrer à jouer juste pour jouer comme une sorte de championnat de vacances? Ne devrions-nous pas d’abord structurer les choses avant de démarrer? » se demande-t-il. Selon sa lecture, il faut l’implication de tous les haïtiens, qu’il estime désintéressés à l’épanouissement du football à travers tout le pays.

Celui qui a pour mission d’entrainer les joueurs du Cosmopolite et de tirer d’eux des performances optimales ne veut pas se contenter de la reprise du championnat, il croit que les sportifs sont des acteurs sociaux qui peuvent contribuer aussi au redressement de la situation. « Il ne suffit pas seulement de vouloir jouer au football, d’autant que la dégradation du pays nous concerne tous, donc les acteurs du football doivent s’investir aussi dans la résolution du problème d’insécurité. Car, il est déjà démontré par le passé que le football est une discipline incontournable pour maintenir la paix dans les pays comme Haïti où l’insécurité, le banditisme et la criminalité font rage. Or, les sportifs d’une manière générale peuvent influencer positivement la société, il faut qu’ils [footballeurs et entraineurs, ndlr] sachent le pouvoir qu’ils ont sur la société et s’impliquent davantage dans la sensibilisation de la population et ceux qui occupent les zones dites de non droit » a-t-il martelé.

La tête pensante de Cosmopolite de Delmas ne s’est pas arrêtée en si bon chemin. « Il est impossible de pratiquer ce sport sans la sécurité, sans ça, il ne pourrait pas avoir de rentrée [argent, ndlr] dans nos poches. Si on considère la démarche proposée par coach SAINVIL, nous serions amenés à nous déplacer quand même un jour ou l’autre, mais en absence de sécurité garantie « se lave men siye l atè » cela ne servirait pas à grand-chose » a poursuivi le Coach Rolph Edson JOSEPH non sans regret. Il appelle les footballeurs à ne pas faire l’autruche, ils doivent participer à la résolution du problème ! « On ne peut pas faire comme font les autres, comme les artistes par exemple qui préfèrent aller performer ailleurs au lieu de s’investir à résoudre ce mal qui ronge la société. C’est pourquoi le football doit prêcher par l’exemple, en s’impliquant dès maintenant dans la sensibilisation de l’haïtien d’abord y compris ceux qui terrorisent la population, car, comme je disais au début, je veux aussi la reprise du championnat et si les championnats de vacances peuvent se dérouler sans trop grandes difficultés pourquoi ne pas restructurer d’abord le championnat national et ensuite recommencer à jouer au football » a conclu Rolph Edson JOSEPH. 

La proposition du Coach Kowsky SAINVIL, ne pourra-t-elle pas servir de levier au Comité de Normalisation et la COCHAFOP pour commencer à réfléchir sur une reprise éventuelle du championnat national ? Et le Ministère des sports dans tout ça, n’a-t-il pas un rôle à jouer pour aider son gouvernement à pacifier le pays en restaurant le football haïtien ?

Seide Putnam LOUIS-JEAN

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