Le barrage de Marion est-il une marionnette ? 2. Dits et Non-dits

Les silences jouent un rôle important dans les notations musicales comme dans les messages politiques.

Le barrage de Marion est-il une marionnette ? 2. Dits et Non-dits

Jean André Victor, 8 / 5 / 21

Les silences jouent un rôle important dans les notations musicales comme dans les messages politiques. Ce qui a été dit vaut de l’argent ; ce qui n’a pas été dit vaut de l’or. A la cérémonie d’inauguration du barrage de Marion, les silences offraient donc plus d’intérêt que le verbiage spécieux et irresponsable. Car, on est esclave du mot qu’on a prononcé, mais on reste maitre de celui qui n’a pas été exprimé. Par exemple, les orateurs ont observé un silence éloquent en ce qui concerne la date d’achèvement des travaux en cours. Pour que le barrage de Marion ne soit pas une marionnette aux mains des prestidigitateurs politiques, il faut le sauver en toute urgence.

Crédit Photo : La Présidence

La fiche technique du barrage demeure, à l’heure actuelle, un secret d’Etat. Est-il libre, l’accès aux études de préinvestissement portant sur le génie civil, la climatologie, la sismologie, l’hydrologie, la pédologie, les sciences sociales et les sciences de l’environnement ? De telles études ont- elles jamais été réalisées ? Le réseau d’irrigation et de drainage est-il déjà opérationnel ? Sinon, dans combien de temps, le sera-t-il ? Quelle est la durée de vie du barrage, compte tenu du volume de matériaux en suspension retrouvés dans l’eau des rivières concernées ? Connait-on le taux de rentabilité des investissements nécessaires au bon fonctionnement du projet global ?

Pourra- t- on sauver le projet de barrage de Marion, après avoir hypothéqué son devenir par une politisation excessive de ses tenants et aboutissants ? En tout premier lieu, il importe d’élaborer et/ou de finaliser les études susmentionnées. En second lieu, il faut mettre en route, sans tarder, un plan opérationnel, pour éviter d’une part, de partir d’un mauvais pied, et pour rationaliser, d’autre part, les choix budgétaires. In fine, il conviendra de renforcer les capacités à tous les niveaux et dans tous les domaines connexes, étant donné qu’on a accumulé un retard de 3 000 ans dans le domaine des cultures irriguées, l’homme ayant connu l’irrigation depuis 7 000 ans.

En effet, Haïti utilise l’eau d’irrigation pour sauver les récoltes et non pour augmenter la productivité des terres arables. La technification de l’agriculture se fait par paquets indivisibles et non par lots séparés, comme il était de coutume dans les foires aux esclaves d’autrefois. Pour fournir une productivité hautement significative, un paquet indivisible doit comprendre une parcelle de culture de taille économique, des semences améliorées, l’eau d’irrigation, les engrais ou une fumure équilibrée, les pesticides et de bonnes pratiques agricoles. Les uns sans les autres constituent de la poudre aux yeux.

Les leçons tirées de l’histoire de l’irrigation en Haïti révèlent que la république n’a pas pu entretenir régulièrement les systèmes d’irrigation hérités de la colonie de Saint-Domingue. Au risque de trop caricaturer, rappelons que les superficies irriguées sont passées de plus de 100 000 Ha avant 1791, à 10 000 Ha en l’année 1800, à 6 000 Ha en l’année 1825 et à 1 000 Ha en 1850. La remontada a commencé à partir de 1925 pour nous hisser, à l’heure actuelle, autour d’une superficie nominale de 80 000 Ha. Tous les systèmes d’irrigation de la république sont actuellement en chute libre, y compris celui de
l’Artibonite, symbole de la sécurité alimentaire. Hier, un code secret unissait les agronomes seniors pour éviter d’introduire, sans contrôle, l’aide alimentaire dans la vallée de l’Artibonite. Aujourd’hui, il n’y a ni secret d’Etat, ni secret de Polichinelle. On fait alors des meetings pour nothing.

De nos jours, tous les ouvrages de prise de tous les systèmes d’irrigation sont détériorés. Le pays perd environ 100 millions de dollars par an, à cause de l’envasement des réservoirs et des canaux d’irrigation.La gestion rationnelle d’un système d’irrigation passe par le contrôle intelligent des coûts d’entretien, de fonctionnement et de conservation. Chez nous, ces coûts ne sont supportés ni par les usagers ni par les pouvoirs publics. Là où fleurissent la corruption et l’impunité, les cultures irriguées dépérissent tandis que s’installe la famine. Toutes les fleurs se fanent. Tout s’en va à vau-l’eau.

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