La pire année de l’histoire d’Haïti: 1. Les fondamentaux

Les hommes de science sont unanimes à reconnaitre que l’an 536 fut la pire année de l’histoire du monde. Si vous faites deux ou trois clics sur le web, et je vous invite à le faire, ce que vous allez apprendre va changer votre vision de la marche du monde en général et de celle de votre pays en particulier. Retenons pour le moment, qu’en ce temps-là, Constantinople avait remplacé Rome en tant que centre du monde, que Justinien 1er (482 – 563) était l’Empereur Romain d’Orient, celui-là même qui réalisa la codification du droit romain (corpus juris civilis), et que des hécatombes en chaine avaient marqué son règne mémorable, si plein de rebondissements. A quelles catastrophes l’année 536 devait-elle sa célébrité ?

La pire année de l’histoire d’Haïti: 1. Les fondamentaux

Ce furent d’abord des poussières tenaces et permanentes dues à des éruptions volcaniques d’une ampleur exceptionnelle, lesquelles obscurcirent le ciel pendant 18 mois, créant ainsi un refroidissement du climat sur une très large portion de la planète et tous les phénomènes subséquents, à la fois interconnectés et interdépendants. Moins de lumière, donc moins de photosynthèse et baisse drastique de la production agricole. Alors, la famine s’installe et avec elle, la persistance des mouvements de protestation. Puis survint la peste bubonique qui aggrava le déclin démographique. Il s’ensuivit une instabilité sociale favorable à la multiplication des poches de conflit armé, entretenant ainsi une rupture de l’ordre social et un soulèvement populaire contre les élites perçues comme des boucs émissaires. Il est utile de comprendre les différences et ressemblances entre l’an 536 et l’année 2021 en vue de tirer quelques leçons appropriées au bénéfice des générations présentes et futures.

Les différences concernent le continuum espace / temps qui n’est pas le même, le différentiel technologique caractérisant les deux époques, la taille des populations impliquées, la vision géostratégique de la planète et la nature des acteurs en présence. S’il n’est pas contre indiqué de s’attarder sur les différences, il parait plus payant d’insister sur les ressemblances, compte tenu de l’objet de la présente démarche. En tout premier lieu, faisons remarquer que ce qui semble être une différence peut aussi s’interpréter comme une ressemblance. En l’an 536, il y eût refroidissement ponctuel du climat ; à l’heure actuelle, on est en présence d’un processus de réchauffement planétaire. Dans les deux cas, le climat est en cause. Tout comme la peste bubonique qui a fait des millions de victimes, au temps de l’empire romain, la Covid 19, a causé des pertes en vies humaines aussi importantes, dans tous les continents. A l’époque de Justinien, on redoutait les invasions barbares ; de nos jours les Talibans effraient et les fils de Ben Laden font peur.

A un moment donné, certains avaient même pensé que l’année 2020 pourrait soutenir significativement la comparaison avec l’année 536. Finalement, on a laissé tomber cette idée qui reposait essentiellement sur les dégâts causés par la pandémie de Covid 19. À l’échelle du monde, il a été difficile de trouver un enchaînement de causes et d’effets inter-reliés, capables de produire un cocktail de catastrophes naturelles et anthropogéniques, comme ce fut le cas un demi- millénaire après la naissance du Christ. À l’échelle nationale, le cas d’Haïti mérite une considération spéciale. Tout parait indiquer que l’année 2021 semble être une tragédie sans précédent dans l’histoire de ce pays. La pire année enregistrée de 1804 à nos jours n’est ni 1842, l’année du séisme qui a ravagé le Nord d’Haïti, ni les années 1914 et 1915 qui ont vu quatre Présidents en deux ans, ni l’année 1954 qui a connu le souffle dévastateur du cyclone Hazel, ni non plus l’année 1957 qui a enfanté cinq gouvernements de transition. C’aurait pu être l’année 2010 avec ses 200 000 morts provoqués par un séisme dévastateur et les 10 000 autres cas de mortalité observés à la suite de l’épidémie du choléra importé. En ce qui concerne les pertes en vies humaines, il est difficile, pour une autre année, de battre un tel record d’hécatombe. Toutefois, l’année 2021 offre des spécificités qui reproduisent en petit ce que le monde a vécu en grand, en l’an 536. Pour introduire ce genre de particularité, commençons par faire remarquer le symbolisme du chiffre 5. En effet, en additionnant les trois chiffres de 536, on trouve le chiffre 14 et l’addition de 1 et de 4 donne le chiffre 5. Si on fait de même pour 2021, la somme de ces quatre chiffres est égale aussi à 5.

Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, il y a cinq phénomènes de base qui caractérisent l’année 2021 en Haïti : l’impact grandissant des changements climatiques comme phénomène macro-écologique, la Covid 19 comme pandémie universelle, le séisme du 14 août comme catastrophe nationale, les tempêtes tropicales, comme menaces récurrentes, l’extension de la violence politique et criminelle, en tant que plaie béante au flanc du corps social. La chronicité de l’instabilité politique qui résulte de la conjonction de ces cinq phénomènes annihile toute possibilité de croissance économique et fait augmenter démesurément le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire. Sans croissance économique, moins de devises ; moins de devises signifie moins de produits pétroliers et moins d’électricité, d’où l’incapacité de créer la richesse. Le retour de la peste porcine africaine grimace à l’horizon et achève de détruire les espoirs d’une population aux abois, victime de massacres localisés, de kidnapping institutionnalisé et de corruption généralisée. C’est en cette même année 2021 que le peuple haïtien s’est réveillé en sursaut pour apprendre l’assassinat inexpliqué et inexplicable de l’ex-Président Jovenel Moïse, dont la famille nucléaire était composée de cinq personnes (les deux parents et trois enfants). Soit dit en passant, Moïse est un nom de cinq lettres. Et le nom et le prénom de son premier Ministre désigné, Ariel Henry, sont composés également de cinq lettres. Je ne crois pas dans les interprétations extravagantes qu’on peut faire de telles coïncidences ; aussi, n’en ferai-je pas, mais force est de reconnaitre que c’est quand même étrange. Quelle surprise nous réserve donc le cinquième jour des mois restants de l’année 2021 ? Triomphe du cacoïsme grandissant ou soulèvement populaire contre les élites ?

Jean André VICTOR
21 AOÛT 2021


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