Quelles sont ces riches familles qui, selon Antoine Izméry, ont le sang de 10 000 haïtiens sur les mains ?
Entre concurrence déloyale, collusions avec des narcotrafiquants, liens troubles avec des groupes armés et déstabilisation de pouvoirs jugés contraires à leurs intérêts, la liste des exactions attribuées à certaines familles aisées d’Haïti est longue, et loin d’être nouvelle. Si le pays attend toujours la publication officielle des noms de celles impliquées dans le trafic d’armes, l’identité de plusieurs acteurs ayant financé le coup d’État de 1991 et l’origine de la famille Mevs sont, quant à elles, bien connues, notamment grâce aux révélations d’Antoine Izméry. Ce dernier a payé le prix fort pour avoir dénoncé ces réseaux d’influence : son frère d’abord, puis lui-même, ont été assassinés pour avoir « osé » défier ces familles puissantes et leurs relais.
Au-delà de leur implication dans des trafics illicites, la corruption et la déstabilisation des pouvoirs qu’ils jugent pas assez dociles et prompts à satisfaire leurs exigences, une grande partie de la bourgeoisie haïtienne est régulièrement accusée d’entretenir un modèle économique rentier fondé surtout sur l’importation, freinant ainsi l’investissement productif et la création d’emplois. On lui reproche également son faible engagement social, son influence disproportionnée sur les décisions publiques, ainsi que sa contribution à la reproduction d’un système d’inégalités marqué par une forte concentration des richesses. À ces critiques s’ajoutent son silence lors des grandes crises nationales et l’absence d’un véritable projet collectif de développement, perçus comme des signes d’un repli sur les intérêts privés plutôt que d’un engagement envers l’avenir du pays. Contrairement à la majorité, un homme avait choisi de lutter pour les pauvres.
S’identifiant comme haïtien et ne se cachant pas derrière une nationalité étrangère comme bon nombre de riches de son époque, Antoine Izméry, homme d’affaire prospère issu d’une famille d’origine palestinienne et milliardaire assumé avait financé la campagne de Jean Bertrand Aristide en 1990. « Je suis haïtien, j’aime mon pays. Je suis né ici et j’aide mon pays. Je me suis dédié à un combat, je mourrai en Haïti. Je ne veux pas mourir ailleurs » avait déclaré celui qu’on appelle affectueusement « le millionnaire qui a choisi les pauvres ». Sa décision de financer sans limite la campagne de Jean Bertrand Aristide n’était pas son coup d’essai.
« C’est clair que je suis millionnaire, mais l’argent ne m’est jamais monté à la tête comme c’est le cas pour beaucoup » avait déclaré Antoine Izméry qui a été impliqué activement dans la lutte pour le bien-être collectif. Son engagement envers la cause des masses défavorisées lui a valu d’être arrêté plus de 20 fois et il a connu l’exil. Même les régimes sanguinaires n’ont pas pu calmer ses ardeurs. Tans durant la dictature féroce des Duvalier que durant les heures les plus sombres de l’après Duvalier, Antoine n’a jamais cessé de résister à visage découvert alors que certains préféraient se taire ou fuir Haïti. Après le coup d’état sanglant de 1991 appuyé par la communauté internationale Antoine a dénoncé les noms des familles les plus puissantes impliquées dans la répression. Après l’exécution de son frère, Georges, il a continué à dénoncer les liens entre les familles aisées et les militaires ainsi que réclamer justice.
Homme d’affaire prospère issu d’une famille d’origine palestinienne, milliardaire assumé qui a financé la campagne de Jean Bertrand Aristide en 1990, défié publiquement la dictature militaire qui a suivi le coup d’état de 1991, dénoncé les noms des familles les plus puissantes impliquées dans la répression. Il résisté à visage découvert alors que d’autres préféraient se taire ou fuir.
Dans le documentaire « REZISTANS » de la cinéaste américaine Katharine Kean, Antoine Izméry avait dévoilé les noms des riches familles haïtiennes impliquées dans le Coup d’État de 1991. « Le secteur privé qui a financé le coup d’État devrait être en prison et poursuivi pour avoir tué plus de 10 000 personnes durant ce coup. Jean-Claude Nadal est impliqué. Oriol Michel aussi, chez qui a eu lieu une réunion le 29 septembre pour le coup d’État. La famille Mevs est une autre grande famille ici. C’était un « prête-nom » des Duvalier, un surnom pour Duvalier, pour les papiers légaux ils ont utilisé ce nom. C’est ainsi que Mevs a pris naissance. Les familles Brandt, Mourra, Saliba, Moscoso, Bigio, Nadal, la famille Accra, la famille Mevs ou Saint Hubert, la famille Madsen ou Cassis. Clifford Brandt et ses fils que j’ai ajouté à la liste, ils ont donné de l’argent aux militaires pour assurer la paie après le coup. Et un qu’on ne doit jamais oublier, c’est Gilbert Bigio. On dit qu’il a fait plus de 40 millions de dollars en quelques années avec Jean-Claude Duvalier » a indiqué le fondateur du KOMEVEB (Komite Mete Men pou Verite) impliqué dans l’organisation d’événements dont des messes. Le KOMEVEB s’était donné pour mission de rétablir la vérité sur le coup d’État de 1991.
Le coup d’État militaire a entrainé un lourd bilan de plusieurs milliers de morts. Les rapports indiquent entre 1 500 et 3 000 morts dont des enfants. Les estimations quant à elles dépassent les chiffres avancés dans les rapports. Certaines sources démentent les 10 000 victimes indiquées par Antoine Izméry. Toutefois, l’implication de la bourgeoisie dans le coup avec la bénédiction de l’international a été quant à elle démontrée. Et, jusqu’à date, comme c’est le cas d’ailleurs pour leurs nombreuses exactions, elles n’ont pas été inquiétées par la justice haïtienne. Reste à espérer que Jean Rebel Dorcénat prenne exemple sur Antoine Izméry et dévoile la liste des familles impliquées dans le trafic des armes (à lire : https://lecourrierdelanation.com/actualites/article/2022/05/06/haiti-une-delicate-liste-de-trafiquants-d-armes-et-de-munitions-en-circulation ).
Stevens JEAN FRANÇOIS
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