Le rôle de l’Avocat dans la construction de l’Etat de droit

Le rôle de l’Avocat dans la construction de l’Etat de droit

La fonction de l’avocat[1] n’est accomplie correctement que, si celui-ci est convaincu qu’il est l’intermédiaire entre le plaideur et le juge, que son statut d’auxiliaire de la justice, ne lui donne que le droit d’aider le juge à décider librement en toute indépendance et dans le respect des lois et des règlements de la République.

La mission la plus importante de l’avocat est celle  de défendre les riches et les pauvres, les forts et les faibles, l’intellectuel et l’ignorant. La fonction de l’avocat n’a jamais été limitée à la défense devant le juge. Il informe ses clients sur leurs droits et leurs devoirs, donne des conseils et des consultations juridiques.  En outre, il peut rédiger pour le compte de ses clients des actes sous seing privé qui ne nécessitent pas le ministère d’un notaire. L’avocat est un acteur  primordial de la promotion  de l’accès au droit en donnant des consultations juridiques gratuites dans l’intérêt des mineurs et des plus démunis dans les juridictions, notamment à l’occasion des « cliniques juridiques de la défense [2] », ou lorsqu’il est désigné par le  juge en vertu de la loi, dans certains contentieux spécifiques.

En ce qui concerne la notion de défense. Toute personne  a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement et dans un délai raisonnable lors d’un procès. Aussi, toute personne a droit à se défendre elle-même, ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix. D’où la liberté du choix de l’avocat.  

L’état de droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. L’existence d’une hiérarchie des normes constitue l’une des plus importantes garanties de l’Etat de droit. Dans ce cadre, les compétences des différents organes de l’Etat sont précisément définies et les normes qu’ils édictent ne sont valables qu’à condition de respecter l’ensemble des normes de droit supérieures. Au sommet de cette ensemble pyramidale figure la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de la pyramide figurent les décisions administratives ou les conventions entre les personnes de droit privé.

Cet ordonnancement juridique s’impose à l’ensemble des personnes juridiques. L’Etat, pas plus qu’un particulier, ne peut ainsi méconnaitre le principe de la légalité : toute norme, toute décision qui ne respecterait pas un principe supérieur serait en effet susceptible d’encourir une sanction juridique. L’Etat, qui a compétence pour édicter le droit, se trouve ainsi lui-même soumis aux règles juridiques, dont la fonction de régulation est ainsi affirmée et légitimée. Un tel modèle suppose donc la reconnaissance d’une égalité des différents sujets de droit soumis aux normes en vigueur.

L’Etat de droit[3] est une valeur en soi qui  permet d’observer les vertus de l’organisation politique. Ce concept a connu, au cours de ces dernières années, une vogue extraordinaire ; il est au centre des débats philosophiques et politiques concernant le statut et le rôle de l’état : cette référence aide à étayer la revendication d’une meilleure protection face à l’interventionnisme étatique et à l’abus  possible  des majorités démocratiques. Le ralliement des pays qui avaient opté pour la voie socialiste à ce principe à favoriser la non dualisation du thème.

Afin de mieux comprendre l’évolution de l’Etat de droit, Jacques Chevalier opte pour une analyse en trois temps : il étudie tout d’abord la construction de la théorie de l’Etat de droit : la doctriner du Rechtsstaat, la conception française et la théorie  Kelsenienne. Ensuite un approfondissement des implications en observant les conséquences institutionnelles qu’entraine l’Etat de droit. Enfin, il appréhende le processus qui fait aujourd’hui de l’Etat de droit l’antithèse du totalitarisme et les effets qui en découlent, c'est-à-dire une revalorisation du droit, un mouvement de retour en sa faveur.

En suivant une démarche dialectique, une approche de Daniel Mockle [4] des pistes d'analyse sont proposées en vue de mesurer la contradiction insoluble qui oppose les vecteurs d'expansion de la mondialisation aux exigences de l'État de droit. Le problème de leur compatibilité réciproque ne peut être éludé, car les deux phénomènes reposent sur des prétentions hégémoniques, ce qui leur permet de revendiquer la prééminence dans des champs distincts. Ainsi, durant la décennie 90, la progression tangible de l'État de droit comme mode d'expression de la démocratie constitutionnelle au-delà du cercle restreint des pays occidentaux a contribué à l’universalisation latente du principe, mais aussi au développement d'une rhétorique qui l'a transformé en mythe constitutif du débat politique contemporain. Les idées (le constitutionnalisme, la démocratie politique, la « justiciabilité » des droits fondamentaux) qui alimentent le discours sur l'État de droit orientent dans une direction précise les pratiques politiques et institutionnelles des États souverains. À l'opposé, la mondialisation est associée à l'émergence d'un droit sans frontière et à la création de nouveaux mécanismes de régulation qui pourraient réduire la souveraineté des États dans divers champs qui sont de leurs compétences propres. Comme l'intégrité des droits nationaux repose en définitive sur la primauté des normes constitutionnelles, l’effectivité de l'État de droit et du constitutionnalisme peut devenir aléatoire par la multiplication des ordres juridiques en situation potentielle de concurrence. La mondialisation offre un terrain fertile pour concevoir divers scénarios où la dynamique de création des normes de même que la détermination des principes de référence ne sont plus du ressort des États.

L’état de droit est un principe de gouvernance[5]. Il constitue également un aspect fondamental de la consolidation de la paix et des efforts connexes d’établissement d’institutions de justice pénale efficaces et crédibles. Bien que l’expression « état de droit » soit largement utilisée et souvent liée aux mesures de renforcement de l’État, aucune définition n’en est unanimement approuvée. La définition donnée ci-dessous, formulée par le Secrétaire général des Nations Unies dans un rapport de 2004 au Conseil de sécurité, sert de base pour les Indicateurs de l’état de droit. Il désigne un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs[6]

Bien que fondée sur cette définition, cette première édition des indicateurs est d’une portée plus limitée, se concentrant uniquement sur les institutions de la justice pénale, y compris la police et les autres institutions d’application des lois, les tribunaux, le ministère public et la défense, et les établissements pénitentiaires. Les indicateurs mesurent les aspects les plus fondamentaux de ces institutions et leurs liens avec l’état de droit. Ils permettent également de déterminer comment les groupes sociaux vulnérables sont traités par ces institutions. Les différents indicateurs servent à identifier certains problèmes ou points forts des institutions de la justice pénale. Globalement, ils permettent également d’établir des mesures plus précises des attributs de ces institutions, tels que l’accessibilité, la sensibilité, la transparence ou la redevabilité. En tant que tels, face à de rapides changements sociaux et institutionnels, ces indicateurs peuvent être un instrument diagnostic utile et offrir des moyens de perfectionner les interventions destinées à répondre aux problèmes les plus pressants. Utilisés régulièrement, ces indicateurs permettent surtout de suivre les progrès et les revers de l’appareil judiciaire formel. Ces indicateurs sont fondés sur les règles et les normes internationales en matière de droits de l’homme et de justice pénale et peuvent s’appliquer aussi bien aux juridictions civiles qu’aux tribunaux de droit commun. Cependant, cette première édition des indicateurs ne prétend pas mesurer comment les mécanismes de justice et de sécurité officieux, traditionnels et non étatiques peuvent également contribuer à résoudre les délits et autres différends. Par ailleurs, ils n’évaluent pas le fonctionnement ou l’impact des mécanismes judiciaires établis pour tenir les individus pour responsables des crimes de guerre et autres délits commis en période de conflit, même lorsque ces mécanismes judiciaires fonctionnent dans le cadre des systèmes nationaux.

Le CCBE[7] entreprend régulièrement des démarches écrites au sujet des droits de l’homme auprès des gouvernements de pays tiers pour exprimer ses préoccupations quant à la situation des avocats, en particulier les défenseurs des droits de l’homme, qui font face à des obstacles, voire à des violences, dans l’exercice de leur profession. En 2011, le CCBE a envoyé plus de 30 lettres à une quinzaine de pays dont la Chine, la Géorgie, l’Iran, le Mexique, la Russie et la Syrie. Depuis 2007, le CCBE décerne chaque année un prix des droits de l’homme aux avocats ou aux organisations d’avocats qui ont honoré la profession par un engagement et un sacrifice hors du commun dans la défense de ses valeurs relatives aux droits de l’homme. L’initiative vise également à faire connaître davantage les valeurs essentielles au cœur de la déontologie de l’avocat. Le CCBE demande aux gouvernements des pays tiers et à toutes les parties prenantes de garantir le respect de l’indépendance des avocats et de leurs organisations professionnelles, qui est un point de référence de l’État de droit et l’une des composantes essentielles d’une société démocratique.

Pour avoir une portée pratique, le principe de l’Etat de droit suppose l’existence de juridictions indépendantes, compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques en appliquant à la fois le principe de légalité, qui découle de l’existence de la hiérarchie des normes, et le principe d’égalité , qui s’oppose à tout traitement différencie des personnes juridiques. Un tel modèle implique l’existence d’une séparation des pouvoirs et d’une justice indépendante. En effet, la Justice faisant partie de l’Etat, seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatifs et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des normes de droit.

L’Etat de droit est avant tout un modèle théorique. Mais il est également devenu un thème politique,  puisqu’il est aujourd’hui considéré comme la principale caractéristique des régimes démocratiques. En faisant du droit un instrument privilégié de régulation de l’organisation politique et sociale, il subordonne le principe de légitimité au respect de la légalité. Il justifie ainsi le rôle croissant des juridictions dans les pays qui se réclament de ce modèle.

Le rôle de tout avocat qui lutte pour la construction de l’Etat de droit[8] est de mettre fin à l’arbitraire et de reconnaitre à tout individu des droits subjectifs opposables au pouvoir. Pour contribuer à l’émergence de cet état de droit, il ne doit pas cesser les plaidoyers pour s’assurer du respect des droits fondamentaux. Il doit mettre l’accent sur l’étendu des droits reconnus aux individus et les procédures qui garantissent ces droits. Il milite, il ne peut pas mettre de côté les droits de l’homme car c’est une dimension de l’Etat de droit. Comme le prévoit la conférence des Nations Unies sur les droits de l’homme qui s’est tenue à Vienne en 1933, l’avocat doit s’évertuer aux renforcements des institutions qui maintiennent l’Etat de droit en vue de créer les conditions permettant à chacun de jouir des droits Universels et des libertés fondamentales. L’avocat doit lutter pour le respect accru des droits de l’homme. Celui-ci  veille à l’application des garanties judiciaires, qui constituent le droit pour chaque personne de pouvoir faire valoir ses droits et de défendre ses intérêts de manière effective et dans les conditions générales d’égalité. Autrement dit, il s’agit des droits de procédures qui permettent aux individus de bénéficier d’un procès équitable[9]. Ces droits sont mentionnés dans plusieurs textes[10] internationaux ?.

Ni le droit naturel, ni le droit positif en apposition ne représentent un rempart suffisant contre les atteintes aux libertés. L'avocat est celui qui s’assure du respect des droits de tous et des normes afin de vivre dans un milieu sécuritaire grâce à l’application des normes et l’existence d’un Etat de droit. D’où l’importance de l’avocat dans la construction de l’Etat de droit.  


[1]Raymond Guillien et Jean Vincent: Lexique des termes juridiques, 15e édition Dalloz 1999, paris 58

[2] Activité juridique organisée par le Barreau de Port-au-Prince comme service à la communauté

[3] Jacques Chevalier , Monchrestien, Paris, 1992, 160 pages

[4] Professeur, Faculté de science politique et de droit, Université du Québec à Montréal.

Les Cahiers de Droit, vol. 41, n° 2, juin 2000, pp. 237-288 (2000) 41 Les Cahiers de Droit 237

[5] Sociologie Juridique, Jean Carbonnier, p 415

[6] Rapport du Secrétaire général sur l’état de droit et la justice transitionnelle dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit (S/2004/616), par. 6.

[7] Le Conseil des barreaux européens (CCBE)

Veiller à l’indépendance de la justice dans le contexte des réformes imposées aux pays sous tutelle et à d’autres pays, qui affectent le rôle fondamental de l’avocat et l’autoréglementation de la profession d’avocat dans une société démocratique ;

Revendiquer des normes ambitieuses en matière de droit d’accès à un avocat pour tous les citoyens, notamment les suspects et les accusés en Europe, comme garantie d’un procès équitable ;

Contribuer au développement de la justice en ligne (« e-justice ») et garantir que cet outil soit un progrès dans le service de la justice ;

Promouvoir l’État de droit et soutenir les droits de l’homme et les avocats qui défendent ces droits, en particulier dans les pays tiers.

[8] Les droits de l’homme , Daniele Lochak , 3e edition , p 127

[9] Theorie generale du proces, 2e edition , Loic Cadiet, Jacques Normand et Soraya Amrani Mekki, p 997

[10] Convention Américaine aux droits de l’homme, 1969

Chapitre II des droits civils et politiques , article 7 : 2e alinea , 3e alinea , 4e alinea , 5e alinea , 7e alinea et article 8. (Code des droits de l’homme,tome I , p 476)

Vinet JEAN-PIERRE / Avocat

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