Le Comité ministériel avait estimé que l'entrée en vigueur des Codes pénal et de procédure pénale n'était ni souhaitable, ni raisonnable, ni possible
Certains articles des nouveaux Codes pénal et de procédure pénale publiés le 24 juin 2020 ont provoqué une vague de colère et d'indignation. Mandaté par le MJSP, le comité chargé de faire la relecture desdits Codes avait recommandé de rapporter les décrets d’adoption. Ce que le gouvernement a fait.
Mis en place suivant les termes de référence du 24 février 2022 du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP), le comité de relecture s'est attelé à la tâche. Sa mission était de se pencher sur les Codes pénal et de procédure pénale. Conformément aux prescrits juridiques, l’entrée en vigueur desdits codes était prévue pour le 24 juin 2022. Monsieur le Bâtonnier Stanley Gaston, Monsieur le Bâtonnier Carlos Hercule, le Magistrat Norah Jn-François, les
Professeurs Patrick Pierre-Louis et Alain Gilles ont pris part à toutes les séances de travail du comité. Me Théodore Achille, ancien Ministre de la Justice et Me Gérald Norgaisse, ancien juge à la Cour de Cassation, tous deux membres initialement désignés dudit comité, à cause de certaines contraintes indépendantes de leur volonté, n’ont pu participer à toutes les séances de travail. Au terme de plusieurs séances de travail, ils ont adressé leur rapport final au Ministre de la justice et de la sécurité publique, Me Berto Dorcé.
Dans leurs rapports, après relecture des Codes, le comité ministériel avait recommandé à celui qui a été nommé garde des sceaux, de "Rapporter les décrets d’adoption des Codes pénal et de procédure pénale du 11 mars 2020 ; Définir une politique de réforme de la justice pénale (vision, grands axes, options fondamentales…) en fonction d’un diagnostic préalable de la situation ; Déterminer le choix à opérer entre une réforme globale, partielle ou à droit constant ; Évaluer les deux codes pour en extraire les éléments pouvant contribuer à la modernisation de notre justice pénale et Remettre sur pied sous l’égide du Ministère de la Justice et de la Sécurité publique, le Secrétariat permanent de coordination et de suivi de la réforme judiciaire et de la refonte des codes haïtiens prévu par l’arrêté du 28 mars 2003 réunissant des professionnels pluridisciplinaires (juristes, légistes, sociologues, anthropologues, linguistes...) chargés d’élaborer une véritable proposition plus équilibrée de réforme de la matière pénale."
À partir de 1998, un long processus dans le prolongement du mouvement de réforme avait été amorcé. Pourtant, malgré les nombreux travaux réalisés en conformité avec ladite réforme, les Code pénal et de procédure pénale adoptés par voie de décret présidentiel le 11 mars 2020 ont été rédigés dans une logique opposée. Ils sont l'expression de la trahison du choix de réforme clairement exprimé depuis lors. "Il [ce choix de réforme, ndlr] répondait, en grande partie, à une demande sociétale de justice. Il visait, en outre, à satisfaire à une exigence d’harmonisation de notre droit avec les normes régionales, notamment la Convention américaine des droits de l’homme. Rompant avec ces antécédents, les codes sous examen ne se situent plus dans l’esprit originaire de la réforme et ne s’irriguent pas du courant des travaux préparatoires. En effet, plutôt que de s’inscrire dans la continuité d’une politique de réforme produite de notre propre lieu, ses auteurs ont été cherchés ailleurs, redonnant ainsi carrière nouvelle au mimétisme, sans l’avouer ou le désavouer, par une répétition historique anachronique" ont relaté les membres du Comité dans leur rapport.
Comme beaucoup d'autres acteurs, les membres du comité ont donc pointé du doigt la non adéquation de certains textes de loi haïtiens avec notre réalité et notre dynamique sociale. "Même en admettant la prégnance de la filiation avec le droit français dont la doctrine sert de référence traditionnelle aussi bien aux magistrats qu’aux avocats, il est notoire que l’appartenance au droit régional replace notre droit dans l’horizon de la juridiction de la Cour interaméricaine. Est-il dès lors raisonnable de continuer à prendre le code français, relevant fondamentalement de l’environnement juridique communautaire européen, pour référence centrale et d’ignorer notre propre géographie juridique? Même en considérant que le pouvoir punitif renvoie, en dernière instance, au rapport entre l’État et les citoyens, est-il possible que le Code pénal octroie un pouvoir règlementaire autonome à l’Exécutif? Une telle extension, illégitime dans son principe, illogique dans son énoncé, consacrerait la préséance de la norme décrétale sur la norme constitutionnelle. Elle conduirait à un imbroglio normatif susceptible de renverser la hiérarchie des normes et d’instituer un désordre juridique sans précédent" ont-ils poursuivi.
Fort de tout ce qui précède, les signataires du rapport final du comité de relecture avaient estimé que "pour le moment, donc, et en l’état actuel des textes, l’entrée en vigueur des Codes ne paraît ni souhaitable, ni raisonnable, ni possible. Trop de raisons militent en faveur d’une pause, pour reprendre après le temps de la tempête, dans un climat de dialogue intrasocial plus apaisé, les bonnes intentions d’une réforme de la justice pénale pour leur donner la juste mesure de normes insusceptibles d’un rejet traumatique global dans leur application".
Rappelons que le Pasteur Maurice Lapierre, dirigeant du parti Réveil d’Haïti, avait invité la communauté chrétienne d’Haïti à faire du mercredi 16 juin prochain, une journée de « Jeûne » pour faire échec à l’applicabilité du Code pénal qui d'après sa lecture enfreint les valeurs humaines et morales. Sept jours plus tard, soit le 23 juillet, dans le numéro spécial 18 du journal officiel "Le Moniteur" le gouvernement a résolu en Conseil des ministres de reporter la date d'entrée en vigueur du décret en question.
À quand la réalisation d'une journée de jeûne pour mettre fin à l'insécurité, le chômage et la misère? Les vrais acteurs sociaux ont, heureusement, opté pour l'action!
Stevens JEAN FRANÇOIS
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