Désaccord sur la possibilité pour l’Exécutif de pourvoir au remplacement des Juges renvoyés à la retraite à la Cour de Cassation: Me Samuel Madistin fait valoir ses arguments

Désaccord sur la possibilité pour l’Exécutif de pourvoir au remplacement des Juges renvoyés à la retraite à la Cour de Cassation: Me Samuel Madistin fait valoir ses arguments

Lors de sa participation à la Rubrique "Invité du Jour" de la radio Vision2000, le mardi 9 février 2021, Me Madistin avait déclaré que le Président pouvait remplacer les juges renvoyés à la retraite. N'étant pas d'accord avec cette affirmation M. John Earl Etzer LEGROS, dans une correspondance adressée à l’ancien sénateur de l’Artinonite, a exprimé ses réserves sur cette affirmation. Me Samuel Madistin dans une lettre responssive a lui présenté son argumentaire.

Décidément le dernier passage de Me Madistin à l'émission "Invité du Jour" est parti pour marquer les esprits. Le fameux concept d'idiot utile utilisé par le politologue a fait le tour des réseaux sociaux et est venu agrandir le champ lexical de plus d'un. Invité à réagir sur la possibilité pour l'exécutif actuel de procéder au remplacement des juges envoyés à la retraite, sans tergiverser, Me Madistin avait répondu par l'affirmative. Ne partageant pas cet avis M. John Earl Etzer LEGROS, Ingénieur civil, Comptable agréé et Maitre en gestion financière, avait exprimé son désaccord dans une correspondance. Démocrate convaincu, Me Madistin lui a présenté ses arguments.

Dans une correspondance datée du 11 février 2021, Me Madistin a, tout d'abord déclaré accuser réception de la correspondance de son collègue Ingénieur et rappelé à ce dernier que depuis 2015 il avait lancé un vibrant appel aux gens comme lui.

" J’accuse réception de votre correspondance en réaction à mon émission avec M. Valery Numa à l’émission "Invité du jour du mardi 9 février 2021". Merci pour les mots gentils que vous avez bien voulu tenir à mon endroit. Quand j’ai lancé, en 2015, l’idée d’un complot des gens de bien pour sauver Haïti à travers le programme que j’avais proposé à la nation « Pour un État Fort », je m’adressais justement à des gens comme vous " lit-on au premier paragraphe de ladite correspondance.

Prenant note du désaccord de M Legros sur la possibilité pour l’exécutif actuel de pourvoir au remplacement des Magistrats à la Cour de Cassation envoyés à la retraite, Me Madistin a lui aussi exprimé son désaccord avec la logique de son raisonnement sur ce point.

Cette réaction de M Legros a plu à Me Madistin qui ne l'a pas caché. " En réalité quand j’interviens publiquement sur un sujet, ce qui m’intéresse, ce n’est l’accord ou le désaccord des auditeurs avec moi mais le débat que mes idées peuvent provoquer dans une société marquée par l’intolérance, l’absence d’esprit critique, d’analyse et le refus du débat contradictoire. C’est pourquoi je ne réponds pas toujours, et faute de temps non plus, aux auditeurs et internautes qui m’interpellent sur tel aspect ou tel autre aspect de mes interventions. La pertinence de vos remarques m’a porté à faire cette exception en répondant ici à vos interrogations et remarques " mentionne-t-il dans sa lettre tout en assumant ses propos " en réponse à une question de l’expérimenté journaliste Valery NUMA, j’ai effectivement déclaré, sans langue de bois, que le président peut remplacer les juges renvoyés à la retraite parce que nous sommes dans un État d’exception non déclaré, et qu’il a la responsabilité, par son pouvoir de facto, de faire fonctionner les institutions " a-t-il poursuivi.

Comprenant l'origine du désaccord de M Legros, l'Avocat au Barreau de Port-au-Prince l'a clairement exprimé et a présenté ses arguments et sa lecture de la question qui est le fruit de son parcours comme parlementaire et de son bagage théorique. " Votre désaccord avec moi sur ce point repose sur le fait que je n’ai pas cité un texte de loi qui donnerait au président de facto ce pouvoir alors que l’article 150 de la Constitution ne souffre d’aucune ambiguïté même pour un non juriste comme vous : «  Le Président de la République n’a pas d’autre pouvoir que ceux que lui attribue la constitution ». Le président, selon vous, ne peut pas nommer des juges à la Cour de cassation sans la participation du Sénat de la République au regard de l’article 175 de la Constitution. Et vous pensez que si ma logique pouvait tenir la route, le président aurait pu aussi nommer des parlementaires pour faire fonctionner le pouvoir législatif. À vos interrogations telles qu’exprimées, je réponds ce qui suit : L’absence de parlementaires au parlement et l’absence de Magistrats dans nos cours et Tribunaux ne répondent pas au même régime juridique. Et je comprends que, pour un non initié, cela puisse être difficile à comprendre. Je suis bien placé pour vous en parler puisque je maitrise les deux régimes. Le premier est un principe de droit administratif et la deuxième relève du droit parlementaire. J’étais moi-même parlementaire pendant dix ans (député et sénateur). Je n’étais pas un simple parlementaire. Je suis un parlementaire qui réfléchit sur la question parlementaire. J’ai participé à de nombreux colloques, séminaires, conférences sur la question parlementaire, en Haïti, dans les Amériques, en Europe et en Afrique. J’ai publié en décembre 2001 un ouvrage de Droit parlementaire, j’ai multiplié des conférences sur la question parlementaire, pour des parlementaires, des groupes de femmes, des universités, des jeunes, des églises et des organisations de la société civile (OSC). Je peux donc, en cette qualité, vous affirmer que si le fonctionnement du parlement est nécessaire (utilisé dans le sens de souhaitable ici) pour le fonctionnement démocratique de l’État, il n’est pas indispensable dans la vie de tous les jours de l’État. La justice, par contre, est un service public. Le régime juridique du service public est organisé autour de trois grands principes : continuité du service public, l’égalité devant le service public et le principe d’adaptabilité ou de mutabilité. Le principe de continuité du service public constitue un des aspects de la continuité de l’État, comme la sécurité publique ou la défense nationale. Le service public de la justice ne peut pas donc être discontinué comme peut l’être le fonctionnement du pouvoir législatif. L’article 175 de la Constitution que vous avez brandi pour contester le droit à un Président de facto de nommer des juges à la Cour de Cassation et soutenu dans le passé par des hommes politiques ne traite pas seulement, contrairement à ce que pensent plus d’un, de la nomination des juges de la Cour de Cassation. Il est ainsi libellé : « Les juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la République sur une liste de trois (3) personnes par siège soumise par le Sénat. Ceux de la cour d’Appel et des Tribunaux de Première de Première Instance sur une liste soumise par l’Assemblée Départementale concernée, les Juges de Paix sur une liste préparée par les assemblées communales ». Savez-vous que les assemblées départementales et communales prévues par la Constitution ne sont toujours par mises en place ? Doit-on en déduire, selon votre logique, qu’un Président de facto ou non ne peut pas nommer des juges dans nos Cours d’Appel, nos Tribunaux civils et dans nos Tribunaux de Paix sans la participation des assemblées ? Savez-vous ce que représente le dysfonctionnement de nos cours et Tribunaux ? À titre d’exemple, selon des statistiques disponibles dans les documents internes de la Fondasyon Je Klere (FJKL) pour le mois de janvier 2021, il y a en Haïti un effectif total de onze mille sept cent onze (11711) détenus-es pour deux mille deux cent quatre-vingt-dix condamnés (2290). Ce qui représente donc un pourcentage de moins de 20% de condamnés seulement. Pensez-vous qu’on peut fermer nos Cours et Tribunaux pendant un an, deux ans comme on le fait pour le Parlement ? Pensez-vous sérieusement qu’on peut laisser nos Cours et Tribunaux fermés jusqu’à la mise en place de nos assemblées ou l’élection d’un nouveau Président? Connaissez-vous la situation de tension qui règne aujourd’hui dans nos centres carcéraux du fait de la surpopulation carcérale ? Savez-vous que le développement socio-économique d’Haïti ne peut être qu’un leurre sans le fonctionnement régulier du service public de la justice ? Savez-vous que la résolution pacifique des conflits dans la société passe essentiellement par la justice ? Nous ne parlons vraiment pas de la même chose. Et notre désaccord sur ce point est plus que normal. Ma compréhension du fonctionnement de l’État comme militant des Droits Humains me fait penser que le service public de la justice ne doit pas être discontinué. C’est d’ailleurs ce qui explique toujours ma condamnation des mots d’ordre de grève des associations de Magistrats, de Parquetiers ou de greffiers au sein de l’appareil judiciaire. Au-delà de la personne de Jovenel Moise qui, pour moi, est un tyran, l’État d’Haïti doit continuer à exister " a soutenu le Président de la FJKL qui a conclu en formulant de
" pouvoir prendre un café " avec M Legros " dans les locaux de la FJKL pour approfondir [leurs, ndlr] désaccords sur la question ".

Quoi de plus beau et de plus instructif qu'un riche échange entre des intellectuels avisés qui ont opté pour l'arme de la dialectique pour exprimer leurs désaccords. À la jeunesse de prendre exemple sur M Legros et Me Madistin.

Stevens JEAN FRANÇOIS


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