Quand l’espoir est devenu un luxe!

Quand l’espoir est devenu un luxe!

Crédit Photo : VOA Afrique

L’espoir fait vivre ! Qui n’a jamais entendu cette exclamation? Cependant, en Haïti, n’importe qui ne peut espérer. Ce n’est plus qu’un luxe. Et par sa définition même, le luxe ne peut être l’affaire de tous. A l’état actuel des choses, l’on risque de se faire passer pour un arrogant, un présomptueux, si l’on ose espérer un quelconque changement en Haïti. La jeunesse dit-on, est l’espoir d’une nation. Mais l’espoir de la jeunesse haïtienne se trouve en entier dans une enveloppe jaune, poireautant durant des heures devant les ambassades du Chili, du Brésil et de la république dominicaine. A l’évidence la destination n’est pas une préoccupation. Car dans sa tête, nulle part ne peut être pire qu’ici. Quoi de pire dans une société que quand l’on n’ose même pas espérer ? C’est peut-être le seul endroit sur terre où l’on est privé de ce droit. Nombre de nos compatriotes sont las de se montrer coriaces face aux différents problèmes de ce pays. Ainsi cherchent-ils à fuir un lendemain trop douloureux. C’est la meilleure façon d’éluder des punitions pour lesquelles ils n’ont commis aucune faute. L’amour de la patrie n’est plus qu’un vieux rêve enfoui sous les bidonvilles d’une part et dans les tiroirs des ambassades précités d’autre part. On ne compte plus d’orgueilleuses âmes enivrées par de fous espoirs. Plus de cœurs passionnés dévorés par de fébriles ardeurs, ni embrasés par l’enthousiasme qui, jadis, caractérisaient l’être haïtien. Jeunes et moins jeunes limitent leurs efforts à l’obtention d’un visa pour un pays d’outre-mer. Certains d’entre eux pourraient continuer à lutter s’ils pouvaient espérer quelque chose. Mais même l’espoir est devenu un luxe auquel très peu d’entre eux peut avoir accès.

Alors que les poissons fuient nos mers, nos différentes espèces d’oiseaux disparaissent à cause de notre comportement vis-à-vis de l’environnent, nous assistons impuissamment à une fuite de cerveaux hors de l’ordinaire vers d’autres horizons. Mais les gouvernants s’en beurrent la raie. Tout n’est que survie. Pas question de projet; demain est trop incertain. Ou plutôt le seul projet sur lequel on se met à fond, c’est de trouver le moyen de quitter le pays. Il y a quelques jours, une collègue m’a confié qu’elle pouvait bien acheter une voiture mais elle a choisi de ne pas le faire. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas avoir la dangereuse illusion d’être confortable dans le pays, alors que son seul et unique projet important est de partir loin d’Haïti. N’est-il donc pas vrai, qu’aujourd’hui, une culture d’espoir est une urgente priorité ? La jeunesse ambitionne sa dignité hors de sa terre natale. Gravissime ! Rien n’est plus surprenant pour les gens que quand quelqu’un ose déclarer qu’il ne souhaite pas quitter le pays. Selon la grande majorité de nos concitoyens, seul un fou peut dire une telle « sottise ». Le pays est submergé par le désespoir le plus effrayant. Nous devons nous appliquer à une horrible perception : le bonheur est ailleurs. Et si on en pèse les raisons, on sera ébahi de ne pas être du même avis.

Partout dans le monde les élections sont une traversée vers un nouvel horizon. Elles redonnent vie à l’espoir des peuples quand celui-ci se trouve dans sa dernière extrémité. Mais jusqu’ici, en dire autant dans le cas d’Haïti serait se moquer un peu de soi-même. Si l’espoir est devenu un luxe, pas moins de 5 ou 6 élections en ont contribué. Pourtant elles devraient être la sève qui nourrit en permanence l’arbre de l’espoir du peuple haïtien. Nous n’avons aucun problème avec les élections. Bien au contraire. Mais nous nous demandons à quoi ça sert d’autre sinon qu’à nous faire croire qu’il existe un peu de démocratie.

Les plus braves mènent au quotidien un fatigant combat entre le désire de continuer à lutter et l’observation des dragons des pouvoirs politiques et économiques qui crachent heures après heures le feu du désespoir. Ils sont coincés entre quatre murs : misère, insécurité, abus de pouvoir et corruption. Ainsi sont-ils prêt à tout risquer pour se mettre de l’autre côté de cette barricade infernale. Après tout, que leur est-il permis d’espérer ? Des promesses ils les ont déjà entendues. Voter, ils l’ont déjà fait. Certains arrivent même à prendre des risques à peine imaginables pour se donner une raison de croire en l’avenir. Mais ce système tueur d’espoir ne fait que les persuader que rien n’est possible ici. Il est non seulement très grave de ne pas pouvoir espérer, mais il est encore plus grave que des bras longs et criminels combattent systématiquement toute initiative personnelle ou collective visant à redonner vie à l’espoir. Cette volonté manifeste de nous priver d’espoir entre dans le cadre d’une politique visant à étouffer en nous toute velléité de révolte. Nous avons tout vu, tout entendu dans ce pays. Mais être conscient qu’il est trop luxueux pour la majorité d’espérer, est le plus grand malheur qui puisse nous arriver. Extirper l’espoir est la plus grande victoire que les gardiens du système ont pu remporter face au peuple haïtien. Ils amènent le peuple à croire qu’aucune lutte ne vaut plus la peine d’être menée. La question à laquelle nous devons donner une réponse urgente est de savoir comment démasquer les comploteurs, rendre au peuple haïtien  sa dignité pour redonner vie à l’espoir.

Certes, Il n’est pas trop tard. Mais il n’est pas du tout trop tôt.

Widly Carpentier / AKIBO

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