L’harcèlement de rue, un calvaire pour certaines femmes
Interpellations ou insultes, commentaires sexistes, sifflements et même attouchements, certaines femmes font face à des harcèlements de rue qui portent atteinte à leur dignité humaine. Les uns les plus intimidants que les autres, parfois, ces comportements mettent en jeu la liberté de la victime de vaquer librement à ses activités.

L’harcèlement de rue, ce sont ces comportements adressés aux personnes dans les espaces publics et semi-publics, visant à les interpeller verbalement ou non, leur envoyant des messages intimidants, insistants, irrespectueux, humiliants, menaçants, insultants en raison de leur sexe, de leur genre ou de leur orientation sexuelle. Ces comportements touchent particulièrement les femmes et les personnes LGBT dans les rues, les bars, les transports publics.
Apostrophée par un inconnu qui commente votre décolletée, votre corpulence, votre démarche ; gênée par un regard qui vous déshabille ; insultée parce que vous n’avez pas daignée répondre à ses faveurs, tel est le quotidien de certaines victimes. En Haïti, cette pratique est très répandue et elle cause parfois des changements dans la vie des harcelées.
La corpulence et l’harcèlement de rue
Les femmes maigres, sont dans la majorité des cas, les principales victimes quand elles essaient de poursuivre leur chemin en cas d’harcèlement de rue. Nadia, une jeune fille de 24 ans était obligée de laisser son quartier une fois qu’elle ne pouvait plus supporter ces genres de situations jugées inacceptables. « J’habitais dans un quartier depuis près de deux années. Mais, depuis mon arrivée, il y avait toujours un groupe de jeunes garçons qui ont pris l’habitude de passer toute leurs journées dans un point fixe menant sur la grande rue. A chaque fois que j’y arrivais, ils commençaient à communiquer et rire entre eux, tout en me regardant d’un air farouche. Parfois, ils commentaient mes tenues ; riaient de ma forme car ils jugeaient que j’étais trop maigre. J’en avais vraiment marre et puis un jour j’ai demandé à ma cousine de déménager car je ne me sentais plus la force d’endurer toutes ses histoires », confie la victime.
Si Nadia est victime par rapport à sa forme qui est trop mince, Jennika Jean l’en est pour ses larges fesses.
« J’ai des larges fesses, cela fait partie de moi, de mon corps, de ce que j’ai étant que l’humain. Je ne pourrais jamais imaginer qu’elles pouvaient me rendre anormales jusqu’au jour où j’ai commencé à fréquenter la rue menant à mon travail. A chaque fois que je passe, il y a toujours ses gens qui me rendent gênante avec leurs propos. (Laissez-nous vérifier si vos fesses sont naturelles ; quand est-ce que vous nous donnerez la chance d’admirer vos fesses en toute intimité ?), tels sont les commentaires de ce groupe d’harceleurs. A chaque jour suffit ses lots de commentaires. Cela dépend en grande partie de leur humeur. Il y a des jours que je me sens moins en sécurité qu’un autre», se plaint l’infirmière.
Des causes pour expliquer cette pratique
D’une part, dans certains cas, le chômage parait être l’une des causes de cet irrespect pour la dignité humaine. « Si certains harceleurs le font par manque de formation, d’autres se sentent obligés de le faire pour gérer leurs 24 heures, car ils n’ont rien à faire », estime Claudy, un témoin. « Dans mon quartier, il y a un groupe de jeunes garçons qui se réunissent dès 8h du matin jusqu'à 6 heures du soir. Leurs principales occupations ce sont les jeux hasards. Et parfois quand ils n’ont plus d’argent pour continuer à jouer, ils se mettent à commenter sur les tenues des femmes. Ils disent tout pour provoquer de la blague afin de trouver une raison de faire passer le temps », poursuit t-il.
D’autre part, ce comportement est la représentation d’un manque d’éducation. En Haïti, beaucoup de gens ignorent que chacun a son choix de vivre librement sa vie. En ce sens, certains profitent d’harceler des femmes pour leurs styles qui sont beaucoup plus rapprochés aux hommes. « Habituellement, je porte des maillots larges, des tennis et des jeans. J’ai des cheveux courts et je me sens bien avec. Pourtant, à chaque coin de rue, on m’appelle « garçon manqué », un comportement que je considère comme une insulte à mes choix étant qu’humain », exprime Rachelle Julien. Elle regrette du fait que certains sont obligés de manquer de respect à un/une autre pour se sentir humain ou pour se procurer du plaisir.
Quand les conséquences font mal
Leurs répétitions ou la violence qui s’en accompagne causent parfois des dégâts dans la vie des victimes. Parfois, elles deviennent moins ouvertes et paraissent très susceptibles. Le moins de regard provoque des gènes. Elles deviennent stressées par rapport aux remarques que font les harceleurs. « J’ai arrivé à un moment de ma vie où je n’aimais plus mon corps. Je voulais devenir une grande femme avec de larges fesses et une taille plus ou moins normale. On m’a attaché des noms qui me rendaient vraiment marre. « Ti rasi, Zopope, bouda plat », etaient, entre autres, les différentes interpellations qu’on se servait pour m’appeler à travers les rues », confie Sabine. Elle ajoute que c’était grâce à un ami psychologue qu’elle arrivait à accepter sa personne.
Sabine n’est pas la seule. Gina Joseph, une protestante, a décidé de perdre une année d’étude par rapport à des insultes venant de la part d’un groupe d’harceleurs habitant non loin de son université. « Par rapport à ma foi chrétienne, je fais le choix de ne pas porter des pantalons. Une décision qui concerne ma vie. Pourtant, il y a une bande d’harceleurs qui me jugent par rapport à ce choix. Ils ont toujours des commentaires à faire sur ma tenue. Ils disaient souvent que je porte les jupes pour essayer de convaincre les gens sur les actions que je mène à travers les rues en me faisant passer pour un ange alors qu’ils ne me connaissaient même pas », raconte-t-elle. Au milieu de l’année universitaire, elle a décidé d’abandonner son étude parce qu’elle ne pouvait plus supporter ces genres de commentaires. Une décision qui allait agir sur son plan de vie.
Malheureusement, ce ne sont pas de l’humour ni de la blague ; ce ne sont pas des compliments ni de la drague. Beaucoup de victimes apprennent à baisser la tête, changer de chemin ou leur style d’habillement. Une pratique qui porte atteinte à la liberté des victimes.
Widelie Carlvanie OLIBRICE
Widelie122@gmail.com
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