La Société civile haïtienne: entre engagement citoyen et vocation politique

Dans le “Fondement de la métaphysique des mœurs”, E. Kant a pris le soin de poser comme principe fondamental de constitution de tout être organisé, le fait qu’il ne peut y avoir aucun organe pour une fin quelconque, qui ne soit du même coup, le plus accommodé à cette fin.

La Société civile haïtienne: entre engagement citoyen et vocation politique

Ainsi si l’on peut se permettre d’assimiler dans une perspective de rapport réflexif de l’homme sur lui-même, ce principe au mécanisme du corps social, l’on se rendra compte qu’il ne peut y avoir dans l’organisation publique de la cité, aucune forme d’institution qui ne soit plus apte à signifier la démocratie que la société civile.

Partant de ce constat les organisations de la société civile sont, dans tout État respectueux de la liberté civile et politique, le seul pôle capable d’influencer significativement le milieu politique en se jouant uniquement du social. Et ce sans aucune autre forme d’intérêt que ce à quoi elle se résume. En d’autres termes, la société civile se reconnaît par sa capacité à organiser les mouvements sociaux et assurer la médiation. Une fois déviée de cette mission – soit par la force des choses, ou la volonté politiques des acteurs la constituant -,elle perd sa légitimité.

Mais comme de fait, cette dernière est une assemblée de citoyens politiques au second degré ; il y a cette vicieuse tendance de la part de quelques organisations et les acteurs y afférents, à vouloir, en temps de crises, se saisir de la politique, et donc s’y organiser à cette fin.

Donc, lorsque dans une société un tel cas de figure se présente, nous avons la certitude que la démocratie se meurt. Car plus un pays est démocratiquement organisé, plus les citoyens s’intéressent au contrôle de l’organisation de la chose publique, et par ricochet à l’organisation de la société civile elle-même.

Fort de ces différents constats, une question fondamentale se pose par rapport à la mouvance politique actuelle, et le rôle que doit jouer la société civile haïtienne dans leurs démarches d’un éventuel dénouement à la crise que traverse le pays.

La société civile, actrice ou médiatrice ?

Le concept de société civile a pris naissance dans l’antiquité grecque. Arborant dans la conception aristotélicienne la signification d’une assemblée sans hiérarchie dominante et désignant du même coup ce que les Gréco-Romains appelèrent à l’époque «Polis». C’est-à-dire une assemblée qui peut être soit citoyenne soit politique. Or les termes Etat et société désignaient à l’époque le même phénomène.

Durant le siècle des lumières, le concept a connu une autre évolution. La société civile n’est plus le synonyme réduit de «polis», elle devient le domaine de définition de toutes les sphères de la société hormis l’Etat. Et puisque toute civilisation ou société (en des termes plus restreints) produit, suivant l’approche de Lévi-Strauss des taxonomies. En ce sens que nous nous organisons en fonction des circonstances historiques. Le concept a continué d’évoluer jusqu’à atteindre le caractère moderne que nous connaissons. C’est-à-dire une assemblée de citoyens autonomes, non seulement par rapport à l’Etat mais également par rapport aux sphères privées et économiques. Bref, la société civile est, sans aucune forme de considération, aux antipodes de la sphère politique. Et ce, non pas pour être à proprement dit apolitique, mais pour mieux asseoir sans aucun intérêt sa mission politique: contrôler l’État.

Se basant sur ce principe, la société civile ne peut être acteur dans les circonstances politiques qu’à travers sa capacité de médiation. Ce à quoi se démarque la société civile haïtienne.

En effet, nous avons été témoins durant ces quinze (15) dernières années de l’influence sans cesse grandissante des organisations de la société civile haïtienne dans la sphère politique du pays. Une influence qui se résume d’autant plus aux échecs incessants de la classe politique qu’au résultat d’un travail bien fait des différentes organisations.


Néanmoins, la société civile a le mérite d’être relativement mieux organisée. Ce qui, de toute évidence, lui confère presqu’à chaque moment de crise un leadership naturel. Car les politiques sont souvent trop aveuglés à l’idée de s’accaparer, chacun pour son propre compte, le pouvoir.

Ainsi, une fois de plus la société civile haïtienne semble être celle qui mène la barque sous le regard presqu’impuissant des acteurs politiques.

Il est normal que la classe politique échoue par moment,c’est le domaine de toutes les contradictions. Mais si la société civile se dévie de sa mission principale… Adieu la démocratie!

Kervens CHÉRUBIN
kervenscherubin@gmail.com


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