Insécurité dans les parages de l’Ambassade des Etats-Unis en Haïti, la mission diplomatique pieds et poings liés
La détérioration du climat sécuritaire dans les parages de l’Ambassade des Etats-Unis en Haïti est inconcevable pour plus d’un. Selon eux, une puissance militaire comme les Etats-Unis ne peut tolérer que des bandits sèment la terreur à deux pas de son ambassade. Interrogé sur la question, le Diplomate de carrière, Dominique Walestor Joseph, a rappelé les prescrits de la Convention de Viennes sur les relations diplomatiques.

Juillet 2023, les membres du gang Kraze Baryè ont intensifié leurs exactions à Tabarre, commune où est implantée l’Ambassade des Etats-Unis en Haïti. Plusieurs quartiers de ladite commune ont été la cible de leurs attaques. Le personnel diplomatique a été dans l’impossibilité de se rendre à l’Ambassade. Face à la détérioration du climat de sécurité, le département d’Etat a demandé à plusieurs personnels « non- essentiel » et leurs familles de quitter le pays. Depuis lors, la situation ne s'est pas améliorée dans les parages de l'ambassade.
Cette dernière n'a pas officiellement fermé ses portes toutefois, les services fournis ont été réduits au minimum. Le Miami Herald a aussi indiqué que contrairement aux salariés américains, « le personnel haïtien, lui, avait dû continuer à travailler, traversant des quartiers contrôlés par les gangs pour se rendre à l'ambassade, souvent sans être prévenu de la détérioration de la situation sécuritaire».
Début décembre, le gang Kraze Baryè qui opérait à quelques encablures de l'Ambassade américaine a été délogé. Un autre gang, 400 Mawozo, l’a chassé et opère dans la zone. Depuis cette prise de contrôle, plus d'une dizaines de civils ont été assassinés. Certains riverains ont même indiqué que les membres de ce gang ont fait de la rue Tapage, située en périphérie de l'ambassade, une zone d'exécution. Les institutions qui se trouvaient dans la zone fonctionnent au ralenti malgré la présence d'un blindé de la Police Nationale d'Haïti. Des détonations d'armes automatiques emplissent l'air et des victimes ont aussi été dénombrées.
Le week-end dernier, la diffusion de photos de dépouilles mortelles devant les locaux de l'ambassade américaine a suscité beaucoup de réactions. Certains n'ont pas caché leur ahurissement. Pour eux, l'ambassade américaine aurait dû intervenir au lieu de laisser les bandits gagner du terrain et faire de la zone un autre "territoire perdu". Ils ne savent sûrement pas qu’aucune ambassade ne peut réaliser ce genre d'intervention sur le territoire de l'État accréditaire. Interrogé sur la question, Dominique Walestor Joseph, a fait le point.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il a tenu à mettre en lumière l’inexactitude d’une information assez répandue. «Contrairement à ce qu'on veut faire croire, les ambassades ne sont pas une extension de l’Etat accréditant. Elles ne jouissent pas de ce que nous appelons le « principe d’extraterritorialité ». Donc il n’appert nulle part que l’ambassade américaine en Haïti est un territoire américain » a indiqué le licencié en Diplomatie et Services internationaux tout en rappelant que les ambassades jouissent du principe de « non violabilité », ce conformément à l’article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.
En ce qui concerne, l’établissement d’un climat sécuritaire dans les parages des ambassades, l’ex Responsable de la Section Consulaire à l’Ambassade d’Haïti en République Dominicaine a rappelé les obligations de l’Etat accréditaire. « L’Etat d’accueil, encore appelé Etat accréditaire, a comme impératif de prendre les mesures appropriées pour garantir la sécurité des ambassades et des consulats comme le stipule la Convention de Vienne. Mais, des pays ont au sein de leur ambassade du personnel militaire ou policière pour sécuriser le périmètre de l’ambassade si l’Etat d’accueil ne s’y oppose pas » a précisé Monsieur Joseph en faisant référence à l’article 22.2 de ladite Convention qui traite des obligations de l’Etat accréditaire « afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie ».
À titre d’exemple le diplomate a mentionné la présence de la Gendarmerie au sein des ambassades françaises ou dans le cas d’Haïti, des attachés de police, notamment au sein de l’Ambassade d’Haïti en République Dominicaine. Même sous couvert d’ingérence humanitaire, ce personnel ne peut intervenir. « Les militaires américains qui se trouvent dans le périmètre de l’ambassade ne peuvent intervenir en dehors des limites dudit territoire que dans les cas où la sécurité de l’ambassade ou un des membres de la mission est menacée. Dans ce cas, les policiers haïtiens avec les militaires comme back-up auront à repousser la menace » a martelé le natif du Sud-Est d’Haïti.
« A titre d’exemple nous pouvons mentionner l’attaque de l’Ambassade de la France au Bukina Faso, certaines attaques dont l’ambassade des Etats-Unis en Irak a été la cible. Dans ces situations les deux forces ont conjugué leurs actions pour défendre ces locaux. Pour illustrer mes propos, je peux aussi rappeler que lors du génocide au Rwanda en 1994, les casques bleus ont uniquement sécurisé les intérêts de certains pays comme le Canada et les Etats-Unis et ne sont, en aucun cas, intervenus directement dans le conflit » a-t-il conclu.
Les Etats-Unis n’ont raté aucune occasion pour exprimer combien la situation sécuritaire en Haïti les préoccupe. Leur ambassadrice à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, n’a pas manqué de saluer l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la résolution 2700 sur les sanctions sur Haïti, rédigée par les États-Unis et l’Équateur. Ce qui selon elle, « constitue un nouveau tournant et une étape importante pour aider le peuple haïtien, victime de la violence brutale des gangs, d’une insécurité alimentaire aiguë, d’une épidémie de choléra, ainsi que plusieurs années d’instabilité et de souffrances inutiles ». Dans son communiqué de presse daté du 20 octobre 2023, le Département d’Etat, a rappelé les mesures pour imposer des sanctions à plus de 50 personnes qui « ont porté atteinte aux processus démocratiques d’Haïti, soutenu ou financé des gangs et des organisations criminelles, ou se sont livrés à des violations des droits de la personne et des faits de corruption significatifs».
« Les États-Unis continuent par ailleurs de prendre des mesures pour endiguer l’afflux illégal d’armes à feu des États-Unis vers les Caraïbes, dont Haïti. Le gouvernement américain utilise les nouveaux pouvoirs en matière pénale de la loi Bipartisan Safer Communities Act pour identifier et poursuivre les trafiquants d’armes à feu. […] Enfin, le département d’État s’associe aux enquêtes du département de la Sécurité intérieure pour créer une unité d’enquête criminelle transnationale en Haïti afin de faciliter les enquêtes sur les crimes transnationaux et les poursuites correspondantes, en particulier en lien avec les États-Unis. Cette nouvelle unité se concentrera sur les crimes faisant intervenir la contrebande d’armes à feu et de munitions, la traite des êtres humains et les activités des gangs transnationaux » a poursuivi le communiqué dans lequel le département d’Etat a assuré que « Les États-Unis restent déterminés à promouvoir la paix et la prospérité pour le peuple haïtien ».
En attendant que ces dispositions portent fruit, les membres des gangs dont la puissance de feu est alimentée par des armes et munitions provenant principalement des États-Unis continuent à faire des victimes au sein de la population civile sous le regard laxiste des autorités qui se contentent de faire des promesses creuses et de constater les nouveaux « territoires perdus ».
Stevens JEAN FRANÇOIS
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