Quand les funérailles sont devenues des fêtes à part entière : le cas du département de l’Artibonite

Nous sommes au 21e siècle. Et ça veut dire ce que ça veut dire. Le monde a bougé dans tous les sens. On ne fait plus les choses comme avant et ce même dans les milieux les plus reculés du pays, communément appelé »le pays en dehors ». On ne s’habille pas de la même façon; on ne danse pas de la même manière. Bref, certains rituels ne tiennent plus debout. La façon de faire le deuil de nos proches a également changé.

Crédit Photo : Pax Villa
Quand les funérailles sont devenues des fêtes à part entière : le cas du département de l’Artibonite

La mort est un passage obligé. Tout le monde y passera qu’on le veuille ou non. Jadis, quand une personne avait avalé son acte de naissance, la famille, les amis, les voisins, les caramades, les collègues … tout le monde était sous le choc. On versait des larmes de crocodile du commencement à la fin. La famille endeuillée recevait le plein support de toute la communauté. C’était un moment de deuil, de prière, de recueillement, de recul. La tristesse restait visible. On essayait par tous les moyens d’apporter du soutien aux proches du défunt. On se solidarisait le plus que possible.

La soirée qui précède les funérailles était un moment de tristesse. Les gens chantaient à l’unisson des chants de circonstance émaillés de parole capables d’extérioriser la douleur. On lisait des passages bibliques. On racontait parfois la vie du défunt dans un atmosphère calme. Évidemment, chaque zone a sa manière de faire. Peu importe l’endroit, considéré le Nord, le Sud etc la tristesse prime sur le coeur joie, le deuil sur la fête.

Au fil du temps, les funérailles ne sont plus ce qu’elles étaient, il y a de cela 15 ou 20 ans. La nouvelle de la mort d’une personne peut importe les circonstances de son départ, une fête s’annonce. Au menu : les Discs Jockey qui sont devenus incontournables avec une forte consommation de music RABODAY et de musc Afro (Mixtape), la danse, l’utilisation abusive des produits alcoolisés … Les funérailles – dans le département de l’Artibonite- n’ont rien à envier à une cérémonie nuptiale, une graduation.

Les diasporas jouent un rôle décisif. C’est une véritable compétition. Chacun essaie de faire mieux afin d’attirer le projecteur sur sa famille. La guerre des dépenses, une vraie guerre! Un match. Il revient aux participants de donner les résultats. C’est une vraie allure de fête.

Pire, ce changement ne réside pas uniquement dans la façon d’organiser les activités qui précèdent le jour des funérailles. Loin de là, le changement est beaucoup plus profond. Jadis, pour rendre un dernier hommage à une personne on s’habillait convenablement. Ce n’est plus le cas. Certains pour se faire remarquer portaient des habits déchirés avec des couleurs vives – travestie- et leurs comportement laissait à désirer. Ils se comportent comme des fous.Tout est possible. Ils chantent des chansons n’ayant aucun rapport. Ils crient. Ils dansent à corps perdu. Ils boivent. C’est la fête, rien que la fête.

Nous marchons à reculons. Nous perdons notre identité en tant que peuple. Nous sommes plongés dans une acculturation abusive. Nos rejetons nos mœurs, nos coutumes, pour essayer d’accaparer ce qui ne nous ressemble pas, ce qui ne nous appartient même pas.

Or, chaque peuple, chaque nation a son identité, ses pratiques, ses mœurs, ses intouchables rituels. Nous jetons tout ce qui fait de nous un peuple, une nation. Une occidentalisation qui nous tue à petit feu.

La mort a cessé d’être ce qu’elle était jadis pour devenir une fête à part entière.

Annie FRANÇOIS


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