Résurgence de dengue en Haïti : l’insécurité fait obstacle au MSPP

Jeudi 30 août 2023, le chauffeur de moto 3 trois roues, utilisé dans le transport commun à Cap-Haitien a, d’entrée de jeu, présenté ses excuses aux passagers. «Je suis vraiment désolé si ma conduite laisse à désirer. Je ne peux pas aller plus vite parce que je ne me suis pas encore complètement remis de la fièvre. Elle m’a cloué au lit pendant deux jours. Et, j’ai encore des douleurs musculaires et articulaires» a indiqué le jeune homme frisant la vingtaine. Il n’en fallait pas plus pour que trois passagers se mettent à relater combien eux ou leurs proches ont souffert de cette fièvre.

«Inutile de donner plus de détails. Je suis passé par là aussi. Impossible de se vanter d’avoir été brave face à cette fièvre qui fait pleurer plus d’un» a lâché sans transition une femme avec de l’embonpoint. «Plusieurs personnes de mon entourage ont contracté cette maudite fièvre. Je prie pour que je sois épargnée. Je ne crois pas que je survivrai à la souffrance que je les ai vus endurer» poursuit sa compagne de voyage avec qui elle discutait de trucs privés peu de temps avant. Un autre passager qui s’est présenté comme un père de famille n’a pas caché combien de voir son fils souffrir l’a traumatisé. «Mon fils en a vraiment bavé. Ça m’a fait mal de voir mon fils souffrir autant à cause de cette fièvre. Des gens m’ont dit que c’était une épidémie et m’ont recommandé de lui donner du Rapidal Plus, entre autres. Je n’ai pas voulu les croire. J’ai emmené mon fils à l’hôpital, devinez quoi ? Le médecin lui a prescrit les mêmes médicaments!» a-t-il fait savoir. Vraisemblablement, bon nombre de personnes ont attrapé cette «fièvre» qui est plutôt le symptôme d’une maladie.

Avis que partage Magalie. Selon cette infirmière exerçant dans un centre hospitalier de la périphérie du Cap-Haitien, depuis près d’un mois, de plus en plus de patients fiévreux se sont présentés à l’hôpital. « Ils sont de plus en plus nombreux» a-t-elle fait savoir tout en indiquant au passage que « vu les autres symptômes accompagnant la fièvre dont des rougeurs et des douleurs musculaires et articulaires à l’abdomen, au dos etc., il est presqu’évident que ces patient sont atteints de dengue ». Comme Magalie, d’autres membres du personnel soignant de divers centres hospitaliers du pays ont fait état de cas de dengue.

Fin juillet, des cas de dengue ont été recensés dans divers centres hospitaliers du Plateau Central particulièrement. Information qu’a confirmée le Dr Gabriel Timothée, Directeur Général du MSPP. Depuis cette révélation, silence radio du côté des autorités sanitaires. Les centres hospitaliers continuent pourtant à dénombrer des cas de dengue. Si l’accent a été mis dans un premier temps sur le Plateau Central, c’est pourtant dans la Grand’Anse que le plus de cas ont été recensés. Fin juillet 2023, Jérémie était loin devant avec près de 100 cas recensés. Hormis le département du Nord-Est, tous les autres départements du pays étaient touchés par la dengue selon une ébauche du document portant sur la situation de la dengue en Haïti préparé par le Laboratoire national de santé publique et l’Unité de surveillance épidémiologique, tous deux rattachés au MSPP.

Alors que la collecte des données était en cours, face à la hausse significative du pourcentage positif de dengue en 2023 comparativement aux trois dernières années, les autorités sanitaires avaient prévu de faire le point sur la situation. L’enlèvement du Directeur de la DELR (Direction d’épidémiologie des laboratoires et de la recherche) a tout chamboulé. «Une réunion était prévue entre la DELR, le Laboratoire National et d’autres partenaires, tout est tombé à l’eau quand on a kidnappé le Dr Marseille Samson. Depuis lors, il n’y a eu aucune planification relative à sa réalisation» a souligné notre source. Enlevé depuis le 27 juillet, Dr Marseille est toujours entre les mains de ses ravisseurs. Les employés du Laboratoire national de santé publique ne protestent plus sur la voie publique pour exiger sa libération. Cependant, «l’institution fonctionne au ralenti. Mais, il n’y a pas de consigne formelle d’arrêt de travail» a fait savoir un employé de l’institution. Créé en novembre 2005, la DELR a pour mission de planifier l’action sanitaire et de réguler les normes et procédures tout en coordonnant la gestion des informations sur les maladies prioritaires. Elle est donc un acteur incontournable du plan stratégique national de réforme et son dysfonctionnement impacte les interventions du MSPP particulièrement en cas d’épidémie.

Haïti n’est pas le seul pays à faire face à la résurgence de l’épidémie de dengue. Le Guatemala a déclaré jeudi dernier, l’état d’urgence sanitaire durant les trois prochains mois en raison d’une épidémie de dengue qui a déjà fait 22 morts sur 12 263 cas signalés. Le Bangladesh a lui aussi dénombré 21 nouveaux décès dus à la dengue en la journée du 2 septembre 2023. Ce pays d'Asie du Sud compte près de 127 700 hospitalisations dues à la dengue. L’épidémie de dengue a été déclarée en Martinique et en Guadeloupe. À Paris, particulièrement dans le 13e Arrondissement, et en Île-de-France des actions de démoustication ont été réalisées suite à la découverte de cas importés de dengue.

Contrairement à ces pays, Haïti n’a pris, jusqu’à date aucune disposition. L’insécurité serait-elle l’arbre qui cache l’incompétence des autorités ?

Sources :

https://presslakay.net/sante-resurgence-de-lepidemie-de-dengue-dans-le-plateau-central/?amp=1

https://www.aa.com.tr/fr/monde/bangladesh-21-nouveaux-d%C3%A9c%C3%A8s-dus-%C3%A0-la-dengue-en-une-seule-journ%C3%A9e/2981972

https://www.journaldemontreal.com/2023/08/31/le-guatemala-declare-letat-durgence-sanitaire-en-raison-dune-epidemie-de-dengue

 Stevens JEAN FRANÇOIS

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